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Imprimerie Union

Jacques Schiffrin et les éditions de La Pléiade

Jacques Schiffrin lance en 1931 la collection de « la Bibliothèque de la Pléiade » 1 dont l’Imprimerie Union va imprimer plusieurs titres. Le premier que nous ayons référencé est le volume Plutarque de 1937, et le dernier, Saint-Simon réalisé en 1949.

En 1940, alors qu’il attend avec sa famille dans le département de la Manche le moyen de quitter la France, Jacques Schiffrin adresse une soixantaine de lettres à l’Imprimerie Union, et plus particulièrement à Dimitri Snégaroff, dans lesquelles il donne les indications sur l’impression des ouvrages de La Pléiade en cours : Platon, Verlaine, Gide, Shakespeare, Paul-Louis Courrier, La Fontaine, Balzac, Stendhal, Musset et Baudelaire. Il fait suite à cette première correspondance, une deuxième, tirée d’archives privées, échangée cette fois entre Jean Paulhan et Dimitri Snégaroff : une lettre de Jacques Schiffrin datée du 22 décembre 1940 illustre la passation qui s’opère à cette époque entre ce dernier et Jean Paulhan.

On trouve dans cette correspondance tous les détails d’un suivi éditorial particulièrement exigeant et perfectionniste. L’éditeur y fait part de remarques suites aux premiers tirages qui lui sont envoyés : « Beaucoup de coquilles dans le Gide » (lettre du 6 février) ; de ses inquiétudes, « Je viens de recevoir votre envoi (épreuves Gide) et la lettre dans laquelle vous me faites le compte des pages de Platon. Malheur ! Je viens de le refaire et obtiens, avec notes, préface et table cela fait 1520 pages » (15 février) ; et de ses colères, « Vous pensez bien que ce n’est pas par hasard que j’ai fait composer cet index de la première édition en Baskerville : les petits corps, les chiffres sont tellement plus réguliers. Vous qui me demandez des instructions pour un point derrière ou devant, vous prenez là une initiative importante, sans me consulter » (1er avril). Les différentes phases de conception et de confection de ces ouvrages sont ainsi présentées. Il y est question du choix du papier : « J’ai l’intention de commander encore 1000 rames de papier-bible. Lequel des deux (Prioux ou Muller) trouvez-vous le mieux ? Examinez-les bien et donnez-moi votre avis » (4 mai) ; de ses propriétés, « Mr Valette vous promet 2000 kg de papier satiné. Mais vous m’avez dit que ce papier est très embêtant : qu’il aimante et roule. Donc ne ferions-nous pas mieux le laisser se reposer un peu ? Peut-être avec le temps plus sec s’améliorera-t-il ? » (10 avril) ; du choix des plombs, « Actuellement c’est en Garam. Mono. Je ne l’avais pas remarqué et c’est moche. (ce sont les petites choses qui etc., qui font un beau livre – disiez-vous. Et vous avez raison) » (8 mai). Les lettres font également état de détails plus pratiques, « Vos paquets arrivent dans un état piteux, complètement en morceaux : une simple enveloppe ne suffit pas. Que l’on mette un bon morceau de papier autour » (6 février), et le 8 novembre, « Mais pourquoi faites vous vos épreuves sur un papier si lourd, et d’un format si grand : de petites marges suffisent et un papier moins lourd  coûterait moins cher de port, pour vous et pour moi ». Le personnel de l’imprimerie est également évoqué : « Verlaine. Que devient la composition de ce volume ? Ne m’avez-vous pas dit que vous avez doublé ou triplé vos clavistes et que vous composez le Verlaine en même temps que Gide » (9 février), « Avez-vous un bon correcteur » (21 août), « Dites à votre metteur en page de bien respecter les entrées des poésies » (13 octobre). En somme, ces lettres contiennent de nombreuses recommandations : « Force m’est de vous écrire à nouveau, et je vous pris de me lire attentivement (je sais que les imprimeurs lisent à la hâte les lettres qu’on leur adresse…) », « Or, je vous en prie, et, j’insiste, faites vous-même toutes les révisions » (14 février).

Schiffrin évoque par ailleurs les conditions et les contraintes de vie imposées par l’occupation nazie : « J’espère que les Boches ne vous empêcheront pas de travailler régulièrement et que les alertes ne vont pas désorganiser le travail à Paris. Quelles infamies vont-ils inventer encore » (15 février) ; « Présentez-vous les volumes de La Pléiade (même les réimpressions) à la censure ? Cela aussi est indispensable » (9 mai) ; « Habitez-vous toujours Sceaux ? Mais alors, comment faites-vous pour venir à l’imprimerie puisqu’il n’y a plus d’autos ? Avez-vous un métro » (6 août) ; « Serez-vous obligé de mettre une affiche à votre porte. Je parle des nouvelles mesures » (10 octobre).



  1. « Mon ami Schiffrin », André Gide et la Pléiade / la lettre de la Pléiade, n°2.